Alte deutsche Weihnachtslieder
Ernst Haefliger, ténor
Concilium
Musicum (instruments anciens du XVIIIe siècle)
Dir.
Paul Angerer
1
CD Claves
Enreg.
à Retz (Basse-Autriche) en juillet 1984
Chant
populaire de Lorraine
(Flûte
à bec alto, viole, violoncelle, contrebasse, harpe)
Anonyme,
1392
(Viole
d’amour, viole, viole de gambe, harpe, glockenspiel)
Vers
de Martin Luther
Musique
des premiers temps de l’Église
(Hautbois
d’amour, viole, basson, violoncelle, contrebasse, harpe)
Vers
de Friedrich von Spee
Mélodie
du Rheinfelsisches Gesangbuch (1666)
(Hautbois,
viole, doulciane, violoncelle, contrebasse, orgue)
Vers
de Daniel Sudermann (1626) d’après un texte alsacien du XVe siècle
Mélodie
de l’Andernacher Gesangbuch (1608)
(Viole
d’amour, viole de gambe, contrebasse, harpe, orgue)
Anonyme
du XIVe siècle
(Violon,
hautbois, viole, violoncelle, basson, contrebasse, harpe, clavecin, orgue)
Chant
populaire de Bohême
(Violon,
hautbois, viole, violoncelle, basson, contrebasse, harpe, clavecin)
Chant
de Haute-Autriche
(Vilon,
hautbois, viole, violoncelle, hautbois, contrebasse)
Chant
populaire de Silésie
(Viole
d’amour, hautbois d’amour, viole, violoncelle, basson, contrebasse, harpe,
glockenspiel, triangle)
10) Vom
Himmel hoch da komm ich her
Paroles de Luther adaptées par Friedrich Wilhelm Zachow et J.-S. Bach (4e strophe)
Mélodie du Gesangbuch von Schumann (1539)
(Hautbois, doulciane, orgue)
Vers
de Paul Gerhardt
Musique
de Johann Crüger (1662)
(Flûte
à bec ténor, viole, violoncelle, harpe)
Vers
de Michael Praetorius (1609) complétés par Friedrich Layritz (1844)
Mélodie
du Speierisches Gesangbuch Köln (1599)
(Viole
d’amour, hautbois d’amour, viole, violoncelle, doulciane, viole de gambe)
Vers
de Paul Gerhardt (1653)
Musique
de J.-S. Bach (Schemelli-Gesangbuch,
1736)
(Orgue)
Vers
de Johann Rist (1641)
Mélodie
de Johann Crüger (1648) et basse de J.-S. Bach (Schemelli-Gesangbuch, 1736)
(Orgue)
Vers
de Johann Franck (1674)
Mélodie
de Chr. Peter (1655) et basse de J.-S. Bach (Schemelli-Gesangbuch, 1736)
(Clavecin,
viole de gambe)
Texte
anonyme
Mélodie
de Hall (1650) et basse de J.-S. Bach (Schemelli-Gesangbuch, 1736)
(Clavecin,
viole de gambe)
Vers
de Martin Luther
Mélodie
du XVe siècle
(Viole
d’amour, viole, violoncelle, contrebasse)
Il
y a six ou sept ans, Polydor a réédité en Allemagne un célèbre disque de noëls
allemands que Fritz Wunderlich et Hermann Prey avaient enregistré en juillet
1966, quelques semaines avant la mort du ténor. On y trouve quelques classiques
également présents dans le programme d’Ernst Haefliger : In dulci jubilo, Es kommet ein Schiff geladen, Es
ist ein Ros entsprungen, etc. Les deux chanteurs, qu’unissaient des liens d’amitié,
sont évidemment magnifiques, mais si les pièces chantées sont ponctuées par le récit
de la Nativité selon saint Luc, lu par l’acteur Will Quadflieg, il faut essuyer
un orchestre de chambre assez sirupeux et moyennement sûr, qui sert de surcroît
des Locatelli et Albinoni sans intérêt.
Tout
différent est le disque d’Ernst Haefliger, gravé en 1984, alors que le ténor
suisse venait d’enregistrer les 3 grands cycles de Schubert avec piano-forte d’époque
(un Hammerflügel joué par Jörg-Ewald Dahler) : une première alors, retentissante,
et pour cause. De même, c’est accompagné par un ensemble d’instruments anciens
que Haefliger déroule ce programme de chants liturgiques ou paraliturgiques qui
vont de l’évocation de l’Annonciation à la célébration de la naissance du Rédempteur,
et qui s’étagent de la période médiévale à l’âge baroque, empruntant aussi bien
aux chants populaires qu’aux vers de Luther ou des grands poètes baroques que
sont Paul Gerhardt ou Friedrich von Spee. À la tête d’un ensemble à géométrie
variable, le chef, Paul Angerer, a lui-même composé les arrangements de ces
chants anciens, qui obéissent tous à une structure strophique permettant de
reprendre la même mélodie de strophe en strophe.
Sans
doute ces changements judicieux dans le climat sonore, y compris au sein d’un même
morceau, sont-ils d’une grande séduction et compensent le caractère répétitif
de la musique. Mais d’un autre côté, cette sorte de réitération continue est
elle-même d’un charme certain, et constitutive de l’ancrage populaire de la
musique (la mélodie n’exige pas de prouesse de la part du chanteur) et de la
dimension sacrée, contemplative, de poèmes dont l’éternité et la fixité du
cycle liturgique constituent l’horizon. On pourrait d’ailleurs considérer que
la répétition formelle des strophes opère en permanence autant de boucles dont
le caractère circulaire mime la perfection divine. La prise de son, effectuée
dans une église de Haute-Autriche, donne d’ailleurs une légère réverbération à
l’enregistrement, qui contribue idéalement au climat de recueillement de l’ensemble.
Il
se dégage ainsi de ces musiques un climat discrètement incantatoire, totalement
poétique. On est d’ailleurs saisi, dans les plus anciennes, par un caractère
archaïsant (avec des inflexions modales) qui leur confère une dimension mystérieuse.
Ainsi Marien ward ein Bot’ gesandt présente
une narration littérale, naïve, mais à
laquelle la musique donne une résonance étrange, avec un mouvement de marche
paradoxalement hiératique. Le chant de Silésie (Kommt, ihr Hirten) fascine par ses allures de bourdon et sa fraîcheur
sans âge. Nos oreilles de malheureux modernes sont surtout frappées de l’absence
de toute sentimentalité dans l’évocation de la Nativité : dans leur immédiateté
populaire, ces chants conservent quelque chose de rituel et d’énigmatique, qui
semble venir de très loin, et cette distance se retrouve dans le caractère allégorique
de plusieurs poèmes. Ainsi du célèbre Es
kommt ein Schiff geladen (XVe siècle), où la Nativité s’exprime par l’allégorie
du navire portant la cargaison divine jusque sur la terre où il jette l’ancre.
L’orchestration de Paul Angerer installe un climat de mystère étonnant, que
sert aussi le chant méditatif de Haefliger, d’une intériorité et d’une humilité
– c’est-à-dire aussi d’une douceur – dont on chercherait longtemps l’équivalent
aujourd’hui.
Si
le timbre du ténor suisse s’était alors feutré, on reste ébahi qu’à son âge d’alors
la voix ait conservé ce caractère de juvénilité et même de lumière, autant que
ce rayonnement spirituel qui fit la gloire de son Tamino (version Fricsay). Son
chant respire la piété sérieuse et frémissante de la vieille Allemagne. On
songe à l’esprit d’Elisabeth Grümmer. Sa sévérité, suggérant tout un monde dans Es kommt ein Schiff geladen, où il fait
valoir avec sûreté des couleurs d’étrangeté, cède la place au sourire fervent
dans In dulci jubilo ou Der Heiland ist geboren. Et dans le sublime Was soll es bedeuten ?,
lancinant comme une complainte, il rappelle irrésistiblement la délicatesse élégiaque
de ses Schubert. On est d’ailleurs saisi à l’écoute du noël de
Haute-Autriche (n° 8), qui sonne presque, dans sa naïveté euphonique, comme
une mélodie de La Belle Meunière.
Ici on perçoit la continuité entre le Volkslied traditionnel
et les lieder de Schubert. Les chants auxquels Bach a prêté la main sont
proches du choral et aussi moins mémorables, tandis que les mesures de Fröhlich soll mein Herze springen ont
quelque chose de dansant qui évoque le tout début du XVIIe siècle. Sommet du
programme enfin, le fameux Es ist ein Ros
entsprungen, à la mélodie immédiate, si prenante, presque triste, fait
entendre combien la tenue vocale de Haefliger, son éloquence pénétrante et sans
effets, se muent en poésie.
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