dimanche 4 janvier 2015

Voici justement, au fond de la cassette





Au temps où j’enregistrais sur des minicassettes diverses choses à la radio – c’était surtout à l’époque du Matin des musiciens sur France Musique R.I.P. – j’étais tombé sur une émission dans laquelle Jean-Pierre Derrien (sauf erreur), je ne sais plus à quelle occasion, avait diffusé un entretien, datant du printemps 1976, qui réunissait un journaliste (son nom apparaît dans le cours de l’échange) et trois mélomanes lyonnais, ou pour mieux dire trois sectateurs de Wagner : deux messieurs, l’un érudit et disert, l’autre octogénaire et plus effacé, et une dame, sollicitée surtout à la fin de la conversation, mais qui ponctue avec constance les propos du premier.

J’ai transcrit cet entretien, dont il manque probablement sur ma cassette les deux premières minutes. J’ai conservé tous les noms propres tels qu’ils sont donnés, sauf pour celui, sans doute altéré, de l’un des ténors du Parsifal de 1914 : je n’ai pas trouvé sa trace sur la toile, je l’ai graphié à peu près comme je l’entends sur la bande. Aucune trace photographique non plus de Louise Janssen : on ne saura donc rien de la lumière de ses yeux sinon ce qu’en dit le premier wagnérophile. Enfin, je n’ai rien ajouté qui ne soit exactement sur la bande ; j’ai même dû renoncer à noter certains propos parfois trop morcelés et/ou superposés de façon trop confuse entre les devisants. La comédie ne s’offre pas seulement dans les livres ou sur les planches : la preuve. 


N.B. Il en est question au cours de la conversation : Parsifal fut donné pour la première fois à Paris le 4 janvier 1914 au Palais Garnier, sous la direction d’André Messager ; la création lyonnaise date du 13 février de la même année.

*


Louise Janssen en Elsa de Lohengrin


Le wagnérophile – … De toute évidence, il y a deux dates. Nous sommes en 1976, et la première date, c’est 1891. Par un hasard curieux, quatre-vingt-cinq ans après, le dernier maillon de la chaîne (le dernier en date, j’espère, pas l’ultime, n’est-ce pas ?) a été soudé ces jours-ci par le festival qui donne Lohengrin : en 1891, quatre-vingt-cinq ans avant, c’est la création de Lohengrin à Lyon, et pendant dix-huit ans, vingt ans, la fièvre tétralogique (et pas seulement la Tétralogie : Parsifal, Les Maîtres-Chanteurs…) a absolument embrasé la ville de Lyon. Et il suffit de rappeler… non pas quelques dates, ce n’est pas un exposé historique mais presque un mini livre d’or (n’est-ce pas, Albert Gravier ?)… l’illustration de toutes ces œuvres de Wagner, la création à Lyon par des artistes, dont deux (je me permets de le rappeler) ont leur buste dans l’atrium de notre Opéra, c’est-à-dire Louise Janssen et le ténor Verdier.
Or Louise Janssen, que j’ai merveilleusement connue… enfin, pour moi merveilleusement connue… a chanté en 1891 Lohengrin, et Janssen (permettez-moi cette toute petite parenthèse) représente pour moi une tradition unique, étant donné qu’elle a été l’élève d’Amalie Materna, dont le nom est gravé à Bayreuth sur les murs du Festpielhaus, puisqu’Amalie Materna a été la créatrice des trois Brünnhilde de la Tétralogie… et Janssen, cette fille du Danemark, n’est-ce pas ? est venue, avec ses yeux empreints de la poésie du Nord, n’est-ce pas ? elle a absolument emballé, n’est-ce pas ? le public lyonnais. Elle a chanté Lohengrin en 91 sous la direction d’Alexandre Luigini, 92 Tannhäuser, 94 La Walkyrie (toujours sous la direction de Luigini) où elle chantait Sieglinde, c’était Mme Fiérens qui chantait Brünnhilde…
Et enfin cette chose absolument unique dans l’histoire française, c’est la date historique : c’est la création des Maîtres-Chanteurs : 1896. D’ailleurs sur la partition que j’ai là sous les yeux, il est écrit « Représenté pour la première fois en France en 1896 au Grand-Théâtre de Lyon ». Il s’appelle le Grand-Théâtre et il méritait bien son nom ! Eh bien, cette date historique, je dois dire, Louise Janssen m’a raconté : il y avait eu pour la préparation de ces représentations quatorze répétitions générales avec orchestre, et au cours de la saison il y a eu vingt-trois représentations des Maîtres-Chanteurs… Tout Lyon est venu aux Maîtres-Chanteurs, ça a été paraît-il une folie extraordinaire… extraordinaire… Ensuite, ça a été en 1900 Tristan, toujours avec Louise Janssen, en 1901 c’était Siegfried (ce n’était pas Janssen qui chantait Brünnhilde) avec le ténor Scaremberg… et Hyacinthe, qu’Albert Gravier a sans doute connu…

Le vieux wagnérophile – Oui…

Le wagnérophile –… qui chantait Mime, que j’ai connu à la fin de sa vie. 1903 L’Or du Rhin, avec un Allemand, qui s’appelait le Dr Otto Brisemeister, qui était le seul à l’époque à chanter Loge en allemand. Enfin Le Crépuscule des Dieux en mille neuf cent…

La dame – Quatre !

Le wagnérophile – … avec Janssen et Verdier. Le Vaisseau fantôme, ça il faut bien le signaler, car c’était une autre grande cantatrice, c’est Marguerite Claessens, dont la petite-fille s’appelle Danièle Manin-Fontanilles…

La dame – Bien sûr !

Le wagnérophile – Eh oui, eh oui, eh oui !

La dame – Eh oui !

Le wagnérophile – Qui a chanté donc Le Vaisseau fantôme. 1914, c’était la création, mémorable également, de Parsifal… Je crois que vous y avez assisté, Albert Gravier ?

Le vieux wagnérophile – Oh, bien entendu, c’est un de mes souvenirs les plus ardents ! J’étais très jeune à ce moment-là, j’avais dix-sept ans, et nous nous étions précipités à Parsifal, qui était donné pour la première fois à Lyon, et peu de temps après la création peut-être à Paris.

Le wagnérophile – Ah oui, oui, après Paris.

La dame – C’était un événement !

Le vieux wagnérophile – Hein ?

La dame – Un événement !

Le vieux wagnérophile – Ah oui, c’était un événement, c’était admirable !

Le wagnérophile – C’était Bovy qui dirigeait…

Le vieux wagnérophile – C’était Bovy qui dirigeait.

Le wagnérophile – … et c’était Verdier qui chantait.

Le vieux wagnérophile – Eh oui, il y avait Verdier, il y avait Riddez, Lafont, que sais-je encore…

Le wagnérophile – Beckmans…

La dame(extasiée) Beckmans !

Le vieux wagnérophile – Beckmans, Gaston Beyle, et puis chez les dames, Mme Catalan…

Le wagnérophile – Exact.

Le vieux wagnérophile – Dubreuil… (À l’interviewer) Non ? vous n’avez pas de parenté ?

L’interviewer – Non, pas que je sache…

Le wagnérophile – Huhuhuhu…

La dame – Il faudra faire des recherches…

L’interviewer – Non, ce n’est pas de ma famille.

Le vieux wagnérophile – Une distribution éclatante !… Alors, le spectacle commençait à six heures et demie, de l’après-midi naturellement…

La dame – Ça, c’était…

Le vieux wagnérophile – Pour les trois premières représentations.

La dame – … c’était normal…

Le vieux wagnérophile – Et à huit heures il y avait un entracte pour le souper…

L’interviewer – Oui ?…

Le vieux wagnérophile – Et…

Le wagnérophile – Maintenant, ça, mon cher Dubreuil, ça représente vraiment l’époque de la création, l’époque héroïque. Maintenant, attention ! cette tradition s’est poursuivie de façon inespérée à Lyon, à partir de 1927, avec la venue d’un ténor qui s’appelait Vieto Forti…

La dame – Forti ! Bien sûr… !

Le wagnérophile – … qui de 1927 disons à 1950 a chanté absolument tous les rôles wagnériens. Il a été, notamment, un admirable Tristan, aux côtés de la grande Suzanne Balguerie… Il a chanté la Tétralogie

La dame – Eh oui…

Le wagnérophile – Il chantait successivement Loge, Siegmund, et les deux Siegfried !

La dame – Bien sûr…

Le wagnérophile – Il a chanté Lohengrin, Tannhäuser, il a chanté absolument tout… Ce qui permettait à cette époque, n’est-ce pas ? qui maintenant, peut-être, peut sembler démente aux jeunes, n’est-ce pas ? d’entendre… moi je me rappelle avoir entendu dans une saison trois fois Tristan, quatre fois La Walkyrie

La dame – Mais je ne comprends pas…

Le wagnérophile – Cinq fois Lohengrin

La dame – Aah !…

Le wagnérophile – Et cætera !

L’interviewer – Est-ce que c’était donné en français ?

Le wagnérophile – Oui oui, en français.

L’interviewer – Tout le temps ?

Le wagnérophile – Oui, mais alors attention…

La dame – Ça, c’est dommage !

Le wagnérophile – Alors attention ! Une exception ! Il y a deux choses mémorables, qui remontent aux années 1932 et 33… alors, j’y étais…

La dame – Vous !…

Le wagnérophile – J’y étais… ah non non, ce n’était pas encore moi qui chantais à l’époque, mais…

La dame – Non, mais vous l’avez fait…

Le wagnérophile – C’était plus tard, mais j’y étais…

La dame – Ah oui ? Moi je n’habitais pas encore à Lyon…

Le wagnérophile – Ce n’est pas la question… vous êtes gentille… Mais en 1932-33 Lyon a accueilli le plus grand ténor wagnérien du siècle : Lauritz Melchior.

La dame – Ah, Lauritz Melchior, voilà !

Le wagnérophile – Et Lauritz Melchior a chanté sur notre scène Lohengrin, Tannhäuser, La Walkyrie, Siegfried et Tristan. Tristan avec Madame Frida Leider…

La dame – Roooh !

Le wagnérophile – Et il y a eu deux autres représentations ex-tra-or-di-naires, c’était deux représentations de Parsifal, en allemand bien sûr, avec toute la troupe de Bayreuth. C’était dirigé par le chef Franz von Hoesslin…

La dame – Oh oui…

Le wagnérophile – … qui, vous le savez peut-être…

La dame – Ah ben oui…

Le wagnérophile – … a été tué dans un accident d’avion, peu de temps après. Le ténor… les ténors, ils s’appelaient l’un Fritz Wolff et l’autre Wit de Worle, et je vous dirai que Gurnemanz, (courte pause) c’était tout simplement Monsieur Alexandre Kipnis…

La dame – Eeeeeh…

Le wagnérophile – Eh oui ! Kundry, c’était Anny Helm, et Amfortas, c’était le fameux Herbert Janssen qui a été l’Amfortas de Bayreuth pendant vingt ans. Eh oui !…





L’interviewer – Une question que je voulais vous poser aussi, parce que ça m’intrigue : est-ce que, à Lyon – puisque vous dites que la ville était bien saisie de la fureur tétralogique –, est-ce qu’il y a eu une opposition à Wagner ? Parce qu’enfin d’où venait…? peut-on trouver une explication ? Lyon passe pour une ville assez morose et traditionnelle…

Le vieux wagnérophile — Oh non, pas du tout !

La dame – Non !

Le vieux wagnérophile – Aucune !

Le wagnérophile – Aucune !

La dame – Aucune ! Même à ce moment-là…

Le wagnérophile – Aucune !

L’interviewer – Parce que lorsqu’on compulse la Revue wagnérienne, les livres d’histoire comme je l’ai fait récemment, je me suis aperçu au contraire que le fait qu’on donnait Wagner donnait lieu à des déchaînements, des campagnes de presse…

Le wagnérophile – Alors attendez, je vais vous dire une chose : Lyon – alors là, soyons un tout petit peu chauvins – Lyon n’a jamais eu l’outrecuidance parisienne de chahuter Tannhäuser

La dame – Oh, là !…

L’interviewer – Oui, je…

Le wagnérophile – Vous savez que quand le ténor Neumann est venu chanter, eh bien les gens du Jockey Club avaient fait graver sur des sifflets, n’est-ce pas ? « Pour Tannhäuser »…

La dame – Voilà !

Le wagnérophile – Et quand ce pauvre Neumann est arrivé à la fin pour le Retour de Rome, il y a un titi qui a dit : « Allons bon, encore un pèlerin… » Et cela a sombré dans le ridicule…

La dame – Oh non…

Le wagnérophile – Un ridicule qui n’a touché que la capitale, mais pas Lyon !

La dame – Non, pas Lyon !

Le wagnérophile – Quand on a créé Tannhäuser ici d’ailleurs, je le sais, quand Louise Janssen a chanté Tannhäuser, elle avait une robe absolument ex-tra-or-di-naire, qui lui avait été offerte par la Soierie lyonnaise, n’est-ce pas ? et… j’ai vu ces photos… et…

La dame – Mon père avait une admiration pour Louise Janssen !… Oooh !…

Le vieux wagnérophile – Ah !…

La dame – Toujours !… Raaah !…

Le wagnérophile – Maintenant, on peut tout de même… Alors donc, il y a eu toute cette époque bien sûr, mais tout cela a continué : je vous ai parlé de Melchior, etc., mais nous avons entendu après, en 1940 (alors là, j’y étais !), c’était avec Monsieur Lalande, metteur en scène…

La dame – Oui !

Le wagnérophile – Et Monsieur Cluytens au pupitre…

La dame – Cluytens ! Mais oui !

Le wagnérophile – Eh bien, on a chanté Les Maîtres-Chanteurs

La dame – Bien sûr !

Le wagnérophile – … avec Monsieur Saint-Cricq, n’est-ce pas ?

La dame – Oh, très bien !

Le wagnérophile – … Froumenty, etc. Et je dois dire, j’ai entendu et vu Les Maîtres-Chanteurs sous toutes les latitudes, et je pense n’avoir jamais vu une mise en scène des Maîtres-Chanteurs aussi admirable que celle de Monsieur Roger Lalande…

La dame – Très beau !… et puis Lalande, quel personnage…

Le wagnérophile – Alors là, je peux dire aussi : le metteur en scène du siècle !

La dame – Extraordinaire !…

Le wagnérophile – Et puis alors, en 47, il y a eu la Tétralogie dirigée par Lauweryns…

La dame – Ah, Lauweryns !

Le wagnérophile – Vous vous souvenez ?… Alors après, en 1960 (nous arrivons à l’époque) Louis Erlo…

La dame – Oui !

Le wagnérophile –… a donné un Parsifal

La dame – Oui !

Le wagnérophile – … après être allé à Bayreuth, où j’étais moi-même en 58…

La dame – Oui, moi aussi j’y étais…

Le wagnérophile – … et s’être inspiré de la nouvelle technique de Wieland Wagner – d’ailleurs il faut le dire, je ne me permettrais pas de dire plagié ni copié… enfin, il s’en est inspiré

La dame – Il s’en est inspiré, oui, c’est forcé…

Le wagnérophile – Ce qui a valu à Lyon l’honneur d’un petit entrefilet dans le programme de Bayreuth, que j’ai vu, où il y avait : « Neubayreuth in Frankreich »…

La dame – Oui, je crois que je l’ai chez moi.

Le vieux wagnérophileNeubayreuth in Frankreich…

Le wagnérophile – C’était le Parsifal qui était donné à Lyon…

Le vieux wagnérophile – À Lyon.

La dame – C’est que ça compte !…

Le wagnérophile – Et aujourd’hui, mon Dieu, il y a eu le Lohengrin, et malgré la rareté des représentations, et (d’un ton fielleux) cette peau de chagrin assez lamentable, n’est-ce pas ? que devient la saison lyrique…

La dame(ricane)

Le wagnérophile – … eh bien, on entend Lohengrin : c’est un plaisir, ça paraît un événement, alors que, évidemment, j’ai connu une époque où Lohengrin, on l’entendait trois ou quatre fois par saison, par des ténors… j’ai entendu (il accélère le débit) Melchior, Georges Thill, Rogatschweski, Forti…

La dame – Rogatschewski ! Bien sûr !

Le wagnérophile –… René Maison, Henri Saint-Cricq, Raoul Jobin, et tant d’autres… mon Dieu, je dois dire que Guy Chauvet s’inscrit brillamment dans cette lignée.





L’interviewer – Bien, alors Madame Botton, il faudrait que vous nous parliez de la société que vous animez, la Société des Amis de Richard Wagner…

La dame – C’est une association, qui a été fondée par Mademoiselle Pic, qui est une passionnée de Wagner (elle prononce ce nom avec une emphase outrancièrement germanique), et dont je fais partie depuis assez longtemps… et depuis que je suis présidente, je cherche à la faire vivre le plus possible, en faisant donner pas mal de conférences illustrées musicalement, pour faire connaître… encourager les gens, les Lyonnais à apprécier Wagner. Notamment, cette année, il y a eu par le Goethe Institut une exposition sur Richard Wagner dont j’ai assuré la permanence tous les après-midis, et ça m’a valu vraiment de parler avec des gens qui ne savaient pas du tout que cette association existait, et nous avons eu vingt-et-un adhérents de plus !

L’interviewer – Ce qui porte le nombre à… ?

La dame – Oh, je crois que nous sommes une centaine.

L’interviewer – Et à votre avis, est-ce que ça vous paraît, à vous, si vous êtes une fervente wagnérienne (ce qui paraît évident), est-ce que ça vous paraît quelque chose d’indispensable ? Sur quoi le fondez-vous, en quelque sorte, puisque Wagner n’a plus besoin d’être défendu… ?

La dame – Non, c’est sûr… mais pour nous, c’est très agréable, d’avoir des réunions, où nous parlons – ceux qui ont la veine comme moi d’aller tous les ans à Bayreuth – de ce que nous avons entendu l’été, on discute, on échange…

L’interviewer – Et vous-même allez à Bayreuth régulièrement ?

La dame(d’un ton soudain de majesté) J’y vais tous les ans, Monsieur.

L’interviewer – Depuis… ?

La dame(minérale) Depuis dix-sept ans.

L’interviewer – Depuis dix-sept ans, vous avez cette chance…

La dame – Oui. Mais j’ai surtout cette chance cette année, parce que personne n’a de places.

L’interviewer – Ah bon ?

La dame – À cause du centenaire du théâtre… et j’en suis gê-née !

L’interviewer – Oui ?

La dame – Parce qu’on dit toujours : « Allez, vous verrez, comme c’est beau, ceux qui n’y sont jamais allés »… et personne n’a de places !

Le wagnérophile – Remarquez…

La dame(véhémente) Non mais je ne comprends pas bien pourquoi !

Le wagnérophile – Je ne sais pas… Il y a un engouement, n’est-ce pas ? pour le new look…

La dame – Oui mais…

Le wagnérophile – … comme dans tous les domaines…

La dame – Oui mais pourquoi… ?

Le wagnérophile – J’ignore totalement… on n’a pas le droit d’ailleurs de juger avant d’avoir vu quelque chose…

La dame – Vous savez comme moi que…

Le wagnérophile – Enfin, il y a un attrait certainement de nouveauté, et peut-être l’espoir d’un éclat un peu révolutionnaire… J’ignore totalement ce qui…

La dame(gloussant) Il sera sûrement révolutionnaire, puisque c’est Chéreau qui fait la mise en scène de la Tétralogie !

Le wagnérophile – Ça…

La dame(très sèchement) Non mais ça change tout, je veux dire. Sûrement !

Le wagnérophile – J’attends… je ne sais pas…

La dame(toujours sèchement) Mais moi non plus je ne sais pas !

L’interviewer – Et vous avez pu vous en entretenir avec Chéreau, de la mise en scène ?

La dame – Oui, parce qu’il a fait une conférence à l’issue de l’exposition, mais en réalité (c’est sûrement sincère) il ne savait pas ce qu’il allait faire, il attendait d’être là-bas, et de voir comment ça se passait, et alors je me suis permis de lui dire : « Quand on va tous les ans à Bayreuth, on vous attend. » Après la conférence, il m’a dit : « En somme, vous m’attendez au tournant ? – Mais Monsieur, vous n’allez pas nous critiquer les mises en scène de Wieland ?! – Oh sûrement pas, mais moi, j’ai été élevé dans les contes germaniques, et tout, je vais revenir aux sources. » Alors je lui ai dit : « Ça veut dire quoi ? Des casques ? – Des casques ? il m’a dit, et pourquoi pas des chevaux ? »

Le wagnérophile – Oui, il ne va sûrement pas faire une mise en scène démentielle…

La dame – Sûrement pas !

Le wagnérophile –… comme ce qui s’est fait à Marseille…

La dame – Sûrement pas ! Sûrement pas !

Le wagnérophile – Au contraire, il va faire un peu, n’est-ce pas ? la mode rétro.

La dame – Je crois, mais vraiment il était encore…

Le wagnérophile – C’est Boulez qui va diriger la Tétralogie, ce sera évidemment un événement…

La dame – Houlà !

Le wagnérophile – Bien que Boulez…

La dame – Il a dirigé Parsifal plusieurs fois, mais jamais la Tétralogie !

Le wagnérophile – … est un admirable chef, dont la direction peut être admirable, ou contestable dans certains cas.

La dame – Mais vous savez, j’aime encore moins celles de Wolfgang ! – (avec dégoût) Aah !

Le wagnérophile – J’ai pas vu…

La dame – Aah !

Le wagnérophile – Ce que j’avais vu de Wolfgang…

La dame – Aah !

Le wagnérien –… ne m’avait pas emballé…

La dame – Aah !

Le wagnérophile – J’avais vu un Tristan mis en scène par Wolfgang…

La dame – Aah !… Tout ce qu’il a changé !…

Le wagnérophile –… avec du linge, en guise de voile !… Enfin, le linge se porte bien, vous savez… comme dans le Faust

La dame(d’un ton pleurnichard) Ooh ! J’aime pas du tout ! pas du tout ! pas du tout !

L’interviewer – Et vous en discutez, dans votre association, des mises en scène ?

La dame – Oh mais bien sûr ! Mais tout le monde n’est pas du même avis, vous savez !
(Elle rit.)

Le wagnérophile – Oui.

Le vieux wagnérophile – Et heureusement !

Le wagnérophile – Wagner a toujours déchaîné les passions… il en était tellement plein !

  



3 commentaires:

  1. Pas mieux que ça pour M. Verdier et Mme Jansen (sic):

    http://gallica.bnf.fr/proxy?method=R&ark=btv1b8436625n.f1&l=4&r=64,48,649,945

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  2. Merci. Pas de chance, elle a fermé les yeux, on dirait… Je tiens à préciser que le ténor Verdier se prénommait Marius.

    On trouverait des choses sans doute dans un petit livre illustré d'une soixantaine de pages :
    Les Premiers interprètes de Wagner en France : Louise Janssen (Lyon, Express, coll. « Coup d'œil en arrière »).

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  3. Du nouveau (si je puis dire) sur Louise Janssen :
    ¶ quelques photos :
    http://gallica.bnf.fr/proxy?method=R&ark=btv1b8436625n.f1&l=4&r=64,48,649,945
    ¶ un opuscule sur elle à lire sur Gallica :
    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8880998

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