dimanche 24 novembre 2013

Che il tuo sia : pace


 Irmgard Seefried en Judith du Château de Barbe-Bleue


O könnt’ ich die Liebe sargen hinzu !
Am Grabe der Liebe wächst Blümlein der Ruh’,
da blüht es hervor, da pflückt man es ab, –
doch mir blüht’s nur, wenn ich selber im Grab.
Heine, Mit Myrten und Rosen (Buch der Lieder)

Il y a vingt-cinq ans, le 24 novembre 1988, Irmgard Seefried est morte. À cette occasion anniversaire, et pour compléter un premier album de lieder exhumés ainsi que des raretés révélées par Relief, Orfeo publie un coffret contenant diverses archives, dont certaines déjà connues (l’air de Haydn « Chi vive amante », Suor Angelica, le Libera me du Requiem de Verdi, etc.) et d’autres inédites (lieder de Haydn ou Brahms, « Ch’io mi scordi di te » K. 505, un programme de chansons en 1967, etc.). 


Un an avant sa mort, elle s’entretenait à la télévision allemande avec August Everding : l’entretien intégral est disponible ici. On y découvre en particulier, à 10 minutes 30 du début, Seefried travaillant les Quattro Canzoni de Werner Egk sous la direction du chef en 1967. Elle créa d’ailleurs plusieurs pièces contemporaines en compagnie de son époux, le violoniste Wofgang Schneiderhan : les Ariosi de Henze sur des poèmes du Tasse (1964), le Triptyque marial de Frank Martin ou le Capriccio pour soprano et violon de Rolf Liebermann, toutes œuvres publiées sur cd en 1990 par l’éditeur autrichien Amadeo.

De l’entretien avec Everding, on peut lire un extrait ci-après, qui en dit long, comme en dit beaucoup sa façon d’être dans la conversation – éloquente est la comparaison avec cet entretien où justement Elisabeth Schwarzkopf cite en exemple les lieder de Schumann ou Wolf que Seefried enregistra pour DG en compagnie d’Oskar Werner, qui disait en contrepoint des poèmes de Heine et Mörike.






– Voyez-vous, pour moi ce métier n’a jamais signifié la voix seulement. Pour moi, ce métier consiste en tout premier lieu à s’incarner pleinement comme être humain. […] Si je me retourne vers le passé, je peux simplement dire : on ne peut jamais que suivre ce qu’une voix intérieure vous dit, on doit suivre sa route comme on la sent. Et pour moi ma profession était – ou est, encore aujourd’hui – un tout, quelque chose de complet, une communication étroite entre mon âme, mon cœur, mon corps, tout doit être là. […]

– La voix, qu’est-ce que c’est pour vous ?  Vous avez dit un jour : « Ce n’est pas un instrument qu’on peut simplement déballer, un piano qu’on ouvre. » Qu’est-ce à dire ?

– La voix, c’est la personne même, un tout ensemble. La voix sort déjà d’un tout petit enfant. C’est précisément un point que les gens ont tendance à oublier aujourd’hui. Un enfant fait entendre clairement la voix donnée par la nature. Il est là présent dans le moment. C’est une des choses les plus importantes, que je répète souvent à mes élèves : « N’oublie pas ta nature. Tu as la voix qui fait tout naturellement lalalalala, tout naturellement… » Mais dès qu’on devient chanteur, dès qu’on étudie le chant, [Elle contrefait des mimiques et des voyelles ampoulées], tous ces chichis… à quoi bon ? ça n’arrange rien. Je leur dis : « Tu dois avoir foi dans l’authenticité, dans la langue. » C’est mon combat, jusqu’à aujourd’hui : il y a la voix seule, je veux dire legatissimo, voce voce voce, sempre la voce… et puis il y a justement moi, un être humain qui possède encore la couleur du mot.

– Même s’il s’agit d’un mot rebutant ?

–  Bien sûr ! Ce qui est rebutant doit toujours être là … même physiquement… tutta la persona, eh ?






Sur Irmgard Seefried, voir également ce qu'en écrit le Vidame de Chartres 
Et aussi cette page à propos de sa Suzanne des Noces


5 commentaires:

  1. On peut trouver le détail complet des représentations de Seefried à l'Opéra de Vienne (à partir de 1943) grâce à cette base de données récente :

    http://db-staatsoper.die-antwort.eu/search/person/2645

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  2. Une évocation de Seefried à la radio :
    http://www.francemusique.fr/emission/horizons-chimeriques/2013-2014/irmgard-seefried-voix-d-ange-11-26-2013-00-00

    Programme assez paresseux (à quoi bon multiplier les berceuses si c'est pour estropier l'air du Re Pastore, réduit à ses dernières minutes ?!) mais on entend la fin toujours suffocante de Suor Angelica et l'ivresse feinte d'Octavian avec Böhm(e).
    Pour le reste, on nous dit que Seefried avait "une voix d'ange" (expression commode et qui peut encore servir) et qu'elle était célèbre pour "l'émotion qui dégageait" (sic) de sa présence en scène.

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  3. Orfeo publie un coffret de 4 cd pour les 25 ans de la mort de Seefried, avec une partie non négligeable d'inédits.

    CD 1 : Vienne 1944
    Haydn, "Chi vive amante" (studio)
    La Flûte enchantée : air et scène du suicide de Pamina (studio, Böhm)
    Fidelio : duo initial et air de Marzelline (studio, Böhm)
    Le Freischütz : récitatif et scène d'Agathe (studio, Leopold Ludwig)
    Meistersinger : les deux scènes Eva-Sachs avec Schöffler (studio, Böhm)
    Suor Angelica : les 18 dernières minutes, air compris (studio, L. Ludwig)
    Ariadne auf Naxos : entrée du Compositeur et fin du Prologue (live, Böhm)

    CD 2 : Primadonna pour Mozart
    Les Noces : romance de Chérubin et air de Suzanne au IV (studio, Karajan, 1947)
    La Flûte : air de Pamina (live, Furtwângler, 1951)
    Le Roi Pasteur : rondo d'Aminta (studio, Leitner, 1952)
    Zaide : "Ruhe sanft" (studio, H. Blech, 1953)
    Exsultate jubilate (live NY, Bruno Walter, 1953)
    Les Noces : air du IV (en allemand) (live, Furtwângler, 1953)
    Cosi : les deux airs de Fiordiligi (live, Böhm, 1956)
    "Non temer, amato bene" K. 490, avec violon obligé (studio, 1952)
    + 2 airs de concert inédits, live 1956, dir. Ansermet : "Vado, ma dove ?" et le K. 505 avec piano

    CD 3 : l'interprète de lieder (uniquement des enregistrements inédits, en grande partie issus de la Radio Bavaroise)
    Haydn (1956), Schubert (1957), Schumann (1954), Brahms (1951 et 1954)

    CD 4 : "Elle a toujours raconté"
    Enfantines de Moussorgski (live 1958, déjà publié par DG)
    + un ensemble de chansons [en allemand] avec petit ensemble (1967) :
    Chansons sur 3 siècles : Au clair de la lune, Le Temps des cerises, etc. ; Kozma/Prévert, 6 chansons.

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  4. Nouvelle salve de rééditions d'Irmgard Seefried (enregistrements DG) en 11 volumes, présentée par Jean-Charles Hoffelé :
    http://www.artalinna.com/?p=3795#more-3795

    L'aubaine est de découvrir enfin la Cantate du Mariage de Bach, ou les deux Liebesliederwalzer avec Kmentt & Co. Mais l'éditeur australien s'est aussi contenté de reconduire les choix de précédents coffrets DG. Par exemple, des extraits du Mignon de Thomas (à l'origine un disque d'extraits de cet opéra, avec Haefliger et Catherine Gayer), pourquoi persister à exclure "Connais-tu le pays" ou le duo des hirondelles, où elle n'est pas moins merveilleuse ?

    Mais on ne s'attendait plus à retrouver les deux cycles Brahms, entre autres choses inédites en cd.

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